Dans un souci d’anticipation, ou pour aider un enfant, les parents sont souvent tentés de donner leur résidence principale. Mais donner sa résidence principale, est-ce une bonne idée ?
La donation est un excellent outil de gestion et de transmission patrimoniale. Elle vous permet d’anticiper sur votre succession future en transmettant un ou plusieurs biens dépendant de votre patrimoine.
Toutefois, donner c’est aussi se déposséder. Si votre résidence principale est le seul bien composant votre patrimoine, des précautions sont indispensables.
1) Donner c’est donner ! Mais est-ce que reprendre, c’est voler ?
La donation est l’acte par lequel le donateur (celui qui donne) se dessaisit irrévocablement au profit d’un donataire (celui qui reçoit) d’un bien déterminé. Cette transmission est faite obligatoirement du vivant du donateur et à titre gratuit. Le patrimoine du donateur s’appauvrit du bien donné tandis que le donataire s’enrichit dudit bien qui entre dans son patrimoine.
Lorsqu’elle porte sur un bien immobilier, la donation confère au donataire la qualité de propriétaire de ce bien et un droit de jouissance qui peut être immédiat (donation en pleine propriété du bien) ou futur (donation de la nue-propriété du bien seulement, par exemple).
Toutefois, lorsque le bien est donné, il ne vous appartient plus et ce, même si vous vous réservez un droit d’usage et d’habitation ou l’usufruit du bien. Vous en êtes dépossédé et vous ne pouvez plus, à loisir, récupérer votre bien et en disposer, comme bon vous semble.
La donation transférant le bien du patrimoine du donateur vers celui du donataire, il vous est fortement déconseillé de vous dessaisir de tous vos biens. Et s’agissant de votre résidence principale, il peut paraître inopportun de vous en déposséder, notamment s’il s’agit du principal bien constituant votre patrimoine.
2) Donner mais à quelles conditions ?
Le choix entre la transmission en pleine propriété ou la transmission en nue-propriété avec réserve d’usufruit ou réserve d’un simple droit d’usage et d’habitation dépend des objectifs civils et fiscaux poursuivis par le donateur.
Concernant la donation de votre résidence principale, il est recommandé de conserver l’usufruit du bien, c’est-à-dire le droit de jouir du bien toute votre vie ou a minima, un droit d’usage et d’habitation.
L’usufruit vous permettra de vous maintenir dans le bien, votre vie durant, voire, si vous le souhaitez, de le donner à bail d’habitation et d’en percevoir seul les revenus. Lorsque le donateur donne la nue-propriété et se réserve, sa vie durant, l’usufruit du bien donné, on parle de démembrement de la propriété.
Les conseils de votre notaire seront très importants pour définir avec vous dans l’acte les futurs rapports entre usufruitier et nu-propriétaire, tant en ce qui concerne leurs obligations que leurs pouvoirs et ce afin d’éviter d’éventuels conflits ultérieurs (entretien du bien, impôts…).
La donation de la nue-propriété de la résidence principale avec réserve d’usufruit au profit des donateurs est souvent envisagée par des parents au profit de leur unique enfant. En suite de la donation, la maison occupée à titre de résidence principale appartiendra, pour l’usufruit aux donateurs et pour la nue-propriété au donataire.
Au delà de répondre à une préoccupation de transmission du vivant, la donation avec réserve d’usufruit présente un intérêt financier. La valeur de l’usufruit conservé par le donateur ne supporte pas la taxation aux droits de donation : l’impôt n’est dû que sur ce que l’on donne !
3) Donner sa résidence principale : quelles conséquences ?
Vous l’aurez compris, dès lors que le bien est donné, le donateur n’en est plus pleinement propriétaire et son statut d’usufruitier lui confère des droits mais aussi des devoirs. Le donateur usufruitier devra, par exemple, veiller à la bonne conservation du bien et ne pourra pas en modifier la destination.
Le donateur usufruitier ne pourra pas, non plus, décider de vendre seul sa résidence principale. Il sera tenu de requérir l’accord du nu-propriétaire pour vendre et ne récupérera pas la totalité du prix mais uniquement le prix correspondant à la valeur de son usufruit, sauf accord des parties pour reporter l’usufruit sur le prix.
Il est à noter que la valeur de l’usufruit diminue en fonction de l’âge de l’usufruitier. Plus l’usufruitier sera âgé, au moment de la vente, moins le prix afférent à son usufruit sera élevé. L’usufruit réservé sur le bien permettra toutefois, au donateur, de continuer à habiter gratuitement le bien ou décider de le donner à bail et d’en percevoir seul les revenus.
4) Des clauses utiles à insérer dans l’acte !
Interdiction d’aliéner et d’hypothéquer
Dès lors que l’usufruit est réservé, une clause d’interdiction d’aliéner et d’hypothéquer pourra être stipulée au bénéfice du donateur et empêchera le donataire, sauf accord du donateur, de vendre le bien donné.
Réserve de retour conventionnel
Il pourra être également prévu dans l’acte de donation, qu’en cas de décès du bénéficiaire de la donation avant le donateur, le bien donné revienne automatiquement dans le patrimoine du donateur. La mise en œuvre du droit de retour conventionnel entrainera l’anéantissement rétroactif de la donation. Cette clause permet d’assurer la conservation du bien dans le cercle familial. Elle sera souvent aménagée afin de permettre une transmission aux petits enfants en cas de décès d’un enfant.
Le report du démembrement sur le prix de vente ou sur un bien subrogé
Même si l’initiative de la vente n’appartient plus au seul usufruitier, votre notaire pourra vous conseiller de stipuler dans l’acte une clause de report automatique du démembrement de propriété sur le prix de vente, sauf accord contraire des parties le jour venu. Cela permettra à l’usufruitier, en cas de vente du bien, de percevoir seul l’intégralité du prix, son usufruit se reportant sur le prix de vente.
Dès lors que le prix de vente est réemployé à l’acquisition d’un nouveau bien, il pourra être également convenu le report du démembrement sur un bien subrogé (acquis en remplacement du bien donné).
Se déposséder ? Prudence !
La donation confère des avantages civils et fiscaux indéniables et favorise la transmission sécurisée de votre patrimoine mais se déposséder de sa résidence principale n’est pas un acte anodin et doit être murement réfléchi. Il est essentiel de prendre conseil auprès de son notaire avant de franchir le pas !
Emilie BENHAMOU, notaire