Passer au contenu principal

Donation-partage transgénérationnelle : l’art de transmettre à ses petits-enfants

Article publié dans Les Affiches de Grenoble et du Dauphine, dans l’Etude des notaires.

L’augmentation de l’espérance de vie moyenne influe sur les générations, dont un nombre toujours plus important est amené à coexister. En 2022, il n’est pas rare que quatre voire cinq générations « cohabitent », des arrière-petits-enfants aux arrière-grands-parents.

Ce vieillissement de la population peut entraîner des inégalités sociales entre ces générations, avec pour facteur important la transmission successorale tardive ; globalement, nous héritons plus tard que nos parents ou nos grands-parents, c’est-à-dire à un âge plus avancé.

Pour autant, la « première génération » n’est pas insensible à la situation financière des suivantes, et aider un petit-enfant, au moment où il construit sa vie, est souvent au cœur des préoccupations.
Cette intention se heurte souvent aux contraintes fiscales, mais également civiles (égalité entre les héritiers, respect de la réserve héréditaire…).

En 2006, la loi a introduit dans le Code civil l’article 1075-1 permettant, lors d’une transmission-partage, d’intégrer des générations plus lointaines que ses propres enfants. L’objectif clair était d’accélérer la transmission au profit d’autres générations, de degrés différents.

La « donation-partage transgénérationnelle », pourtant méconnue, est l’acte le plus pratiqué dans le cadre d’une telle transmission. Mais cette dernière peut également s’effectuer par la rédaction d’un testament.

QU’EST-CE QU’UNE DONATION-PARTAGE TRANSGÉNÉRATIONNELLE ?

Il s’agit d’un acte de donation, dans lequel le donateur (la personne qui donne) distribue et partage les biens donnés entre ses descendants, de degrés différents ; dans le même acte, il sera constaté la donation au profit des enfants du donateur, mais également de la totalité ou d’une partie de ses petits-enfants : ces derniers sont alors gratifiés à la place de leur parent.

La répartition s’effectue alors par « souche » c’est-à-dire que l’enfant (descendant direct, au premier degré) « s’efface » (en tout ou partie) au profit de ses propres enfants.

QUELS SONT LES INTÉRÊTS D’UNE DONATION-PARTAGE TRANSGÉNÉRATIONNELLE ?

Les avantages de la donation-partage transgénérationnelle sont multiples.
Elle permet d’une part de basculer tout de suite, au profit de la génération suivante, une partie du patrimoine familial, sans avoir besoin d’opérer une double voire une triple transmission (aux enfants d’abord, puis ces derniers aux petits-enfants, puis aux arrières…) et ainsi aider et favoriser une génération qui peut avoir des besoins plus importants que la génération précédente.
De plus, elle permet d’effectuer une transmission directe à ses petits-enfants, sous la forme d’une donation, sans craindre que cette dernière ne soit remise en question en raison d’une éventuelle atteinte à la réserve héréditaire des descendants du premier degré. À cela s’ajoute l’économie sur les frais d’acte, qui ne seront versés qu’une fois.
Lors de la succession de l’enfant qui s’est « effacé » au profit de son propre enfant, il sera tenu compte de cette donation pour le calcul de la réserve héréditaire et du rapport successoral, comme si elle venait directement de lui et non pas du grand-parent. Cela a l’avantage de laisser intacte la réserve héréditaire du donateur.
Fiscalement, cette transmission permet d’utiliser un double mécanisme d’exonération : en effet, l’abattement général en cas de donation au profit de ses enfants est de 100 000 euros par enfant ; 31 865 euros lorsque la donation est effectuée au profit des petits-enfants. Ainsi, si l’héritier du premier degré « laisse sa place » au suivant, ce dernier bénéficiera à la fois de la partie de l’abattement général non utilisé par son parent, mais également de son propre abattement « petit-enfant » (31 865 euros).
Par ailleurs, il est possible d’incorporer dans l’acte un bien donné antérieurement à son enfant : il s’agit de remettre dans le « pot commun » un bien précédemment transmis, pour ensuite l’attribuer au petit-enfant. Cette incorporation aura pour avantage de bénéficier d’une fiscalité plus avantageuse (avec le seul droit de partage à 2,50 %), plutôt que de réaliser une deuxième transmission du bien, du parent au petit enfant

QUELLES SONT LES CONDITIONS POUR POUVOIR UTILISER CE MÉCANISME ?

Le descendant qui cède sa place au profit du suivant doit donner son accord dans l’acte de transmission. Il sera donc impossible d’imposer à un enfant la réalisation d’un tel acte.

En effet, cette décision aura plusieurs conséquences :

  • fiscalement, l’abattement fiscal dont il était le bénéficiaire sera utilisé en tout ou partie
  • civilement : l’égalité entre les autres héritiers (ses frères et sœurs) sera contrôlée au regard de l’égalité entre les souches. Il en va de même pour la réserve héréditaire.

En effet, dans un tel acte, toutes les souches (c’est-à-dire chacun des descendants directs du donateur) ne sont pas dans l’obligation d’accepter de laisser leur part revenir à leur propre enfant.

Il n’est donc pas obligatoire d’intégrer à l’acte tous les petits-enfants.

Pour autant, il est nécessaire de préciser qu’une telle transmission peut tout à fait s’effectuer même en présence d’un enfant unique, qui laissera sa part (ou une partie) à son (ou ses) enfant(s).

Tout type de bien peut être transmis par cet intermédiaire. Il peut donc s’agir de biens immobiliers, de parts de SCI, d’une entreprise… mais également de sommes d’argent. Pour ces dernières, viendra se cumuler aux abattements évoqués ci-dessus, l’abattement exceptionnel pour donation de sommes d’argent (31 865 euros, sous réserve que le donateur ait moins de 80 ans, et que le donataire ait plus de 18 ans.)

QUELLES SONT LES CONTRAINTES DE CE TYPE DE TRANSMISSION ?

Le cumul des générations conduit souvent à ce que la troisième ou la quatrième d’entre elles soit composée de mineurs. Or, se trouver en indivision sur certains biens avec un enfant mineur peut apporter de grandes contraintes puisque, pour certains actes, l’accord d’un juge des tutelles devra être sollicité.

Ainsi, l’intégration de plusieurs générations dans un acte de transmission unique nécessite une très bonne entente familiale. Particulièrement, au niveau de la souche qui se « subdivise » entre les enfants et les petits-enfants, qui se trouveront dans la plupart des cas en indivision sur un même bien.

Si l’accord et l’entente familiale ne peuvent être trouvés pour pouvoir concrétiser le choix du donateur d’intégrer la génération suivante dans la transmission de son patrimoine, il pourrait se tourner vers un acte qui prendra effet uniquement à son décès, et dans lequel il aura prédéfini le partage de ses biens au profit de ses descendants, quel que soit leur degré : il s’agit du testament partage transgénérationnel. Si ce dernier ne permet pas, comme la donation-partage transgénérationnelle, « d’empiéter » sur la réserve héréditaire des descendants du premier degré, il a l’avantage d’éviter d’avoir à recueillir l’accord de ces derniers, et s’impose à l’ensemble des héritiers qui ne peuvent pas demander à procéder à un autre partage que celui édicté dans le testament.

Si l’opportunité de l’établissement d’une donation-partage transgénérationnelle peut se révéler dans un premier temps fiscale, ce mécanisme et la décision d’y recourir doivent être très clairement et strictement étudiés avec votre notaire.