Figurant parmi les premières destinations touristiques mondiales, la France connaît depuis plusieurs années un développement croissant de la location de courte durée, notamment favorisée par les plateformes numériques de réservation.
Article publié dans le magazine « les Affiches de Grenoble », rubrique l’Etude des notaires, Juillet 2023. Rédigé par Clotilde Delpuech, notaire
Plus avantageuse sur le plan financier et plus souple pour les propriétaires, la location de courte durée se développe dans les grandes villes et les zones touristiques. Le succès de ce mode de location se traduit par une vague massive de transformations d’appartements en meublés de tourisme, ce qui n’est pas sans conséquence sur la crise actuelle du logement. Dans les communes en forte tension, le développement des meublés de tourisme entrave progressivement l’accès au logement de la population locale et fait augmenter les prix de l’immobilier.
Dans certaines communes, la concentration importante de meublés de tourisme a des conséquences sur l’environnement urbain, les infrastructures ou le paysage commercial.
Face à l’ampleur de ce phénomène, les pouvoirs publics ont construit un cadre législatif et réglementaire pour fournir aux communes des outils de régulation. Il appartient ainsi aux élus locaux de choisir de mettre en œuvre ces outils et de les adapter à la situation particulière de leur territoire pour mieux maîtriser le développement des meublés de tourisme.
Qu’est-ce que la location de courte durée ?
L’article L. 324-1-1 du Code du tourisme définit les locations de courte durée et les meublés de tourisme comme « […] des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ».
Cette location se distingue des autres types d’hébergement, notamment l’hôtel et la résidence de tourisme, en ce qu’elle ne comporte ni accueil ou hall de réception ni services et équipements communs.
Elle se distingue de la chambre d’hôtes où l’habitant est présent durant la période de location. Et elle se distingue enfin du bail d’habitation car le locataire n’y élit pas domicile et y réside pour une durée maximale de 90 jours consécutifs.
Les règles applicables à un meublé de tourisme sont différentes selon que celui-ci constitue, ou non, la résidence principale du propriétaire.
Peut-on louer sa résidence principale ?
La règle des 120 jours par an.
Il n’est pas interdit de louer occasionnellement sa résidence principale comme meublé de tourisme, mais la loi Élan du 23 novembre 2018 est venue limiter la période de location à 120 jours par année civile, sauf exception (obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure).
Dans certaines communes, il sera obligatoire, avant de louer, de déclarer sa résidence principale en mairie afin d’obtenir un numéro de déclaration. C’est notamment le cas à Annecy, Aix-en-Provence, Biarritz, Bordeaux, Cannes, Lyon, Nice, Paris, Reims, Strasbourg ou Toulouse. Ce numéro devra être indiqué dans chaque annonce d’offre de location du logement.
Attention : la location d’un logement social comme meublé de tourisme est interdite en toutes circonstances.
Peut-on pratiquer la location de courte durée dans une copropriété ?
Par principe, la location de courte durée dans une copropriété n’est pas interdite. En revanche, des restrictions peuvent figurer au sein du règlement de copropriété, qu’il est indispensable d’analyser avant toute mise en location.
Dans les immeubles à usage d’habitation dits « exclusivement bourgeois », toute activité professionnelle ou commerciale sera interdite et la location en meublé touristique, considérée comme une activité commerciale, ne sera donc pas autorisée.
Quels sont les outils pour contrôler la location de courte durée ?
Deux outils sont aujourd’hui à la disposition des collectivités pour contrôler le parc de logements : le changement d’usage et le numéro d’enregistrement.
Le changement d’usage : pour protéger l’habitat permanent dans les zones tendues
La location de courte durée, lorsqu’elle ne porte pas sur sa résidence principale, est considérée par le législateur comme une « activité commerciale ».
Ainsi, en 2014, la loi Alur a ajouté à l’article L 631-7 du Code de la construction et de l’habitation un alinéa 6 qui précise que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, constitue un changement d’usage au sens du présent article ».
Cette obligation de changement d’usage concerne désormais tout propriétaire qui souhaite offrir à la location saisonnière un logement meublé situé à Paris, dans les trois départements de la petite commune (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne), dans les communes de plus de 200 000 habitants, et de manière facultative, dans les communes appartenant à une zone d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants et dans toute autre commune sur autorisation préfectorale.
En quoi consiste la procédure de changement d’usage ? La procédure de changement d’usage est un dispositif ancien qui vise à lutter contre la pénurie de logements. Sa mise en œuvre a pour effet de soumettre à autorisation la transformation de tout logement en un local à autre usage, notamment, mais pas uniquement, en meublé de tourisme.
Aujourd’hui, cette procédure permet en particulier aux communes qui connaissent des tensions importantes sur le marché du logement de prévenir leur aggravation.
Cette procédure ne s’applique pas aux résidences principales louées au maximum 120 jours par an. Elle interdit en revanche la location, sans avoir obtenu l’autorisation de changement d’usage, d’une résidence secondaire, quelle que soit la durée de cette location.
La délivrance d’une autorisation de changement d’usage peut être soumise à compensation, qui consiste :
– Soit pour une personne qui transforme un logement en meublé de tourisme à transformer simultanément un local commercial en logement.
– Soit en une compensation via l’achat de droits de commercialité, c’est-à-dire que la personne voulant transformer un logement en meublé de tourisme peut payer une autre personne pour qu’elle transforme un local commercial en logement.
Le numéro d’enregistrement : pour contrôler le respect de la réglementation
Le numéro d’enregistrement est un dispositif renforcé de contrôle et de suivi des meublés de tourisme, créé en 2016, qui figure aujourd’hui au III de l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme.
Il peut être mis en œuvre dans les seules communes qui appliquent la procédure de changement d’usage par simple délibération du conseil municipal. Le numéro d’enregistrement doit être demandé avant toute location d’un meublé de tourisme.
À l’inverse de la déclaration simple, le numéro d’enregistrement est obligatoire pour toute location d’un local comme meublé de tourisme, quelle que soit la durée, y compris pour les résidences principales.
Par ailleurs, lorsque le numéro d’enregistrement est appliqué, il devient obligatoire, pour les loueurs comme pour les plateformes, de faire figurer ce numéro sur toute annonce relative au bien (art. L. 324-2 du Code du tourisme). Ainsi, il devient possible pour les communes de savoir avec certitude à quel local correspond chaque annonce.
La procédure du numéro d’enregistrement a pour objectif de permettre le contrôle a posteriori du respect de la réglementation. Contrairement au changement d’usage, elle ne permet cependant pas de réguler l’entrée sur le marché des loueurs. Ainsi, le numéro d’enregistrement est délivré automatiquement et instantanément, sans qu’il soit possible à la commune de s’y opposer ou d’effectuer des vérifications a priori.
Malgré les mesures mises en place et les outils à disposition des collectivités, dans un contexte de forte tension sur le marché immobilier, les initiatives politiques se multiplient depuis plusieurs mois notamment à Paris, à Annecy, dans le Pays basque ou en Bretagne pour limiter de façon plus significative les locations saisonnières.
Par Me Clotilde Delpuech, notaire.