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Comment vendre un bien détenu par un usufruitier et un nu-propriétaire. On parle de démembrement de propriété.  Il existe plusieurs possibilités : par exemple, vendre ensemble ses droits respectifs, ou vendre uniquement l’usufruit ou la nue-propriété…Comment est réparti le prix de vente ? Peut-on reporter le prix de vente sur un autre bien…? Autant de questions auxquelles on vous répond.

Qu’est-ce que le démembrement de propriété ?

Le droit de propriété est défini par l’article 544 du Code civil comme « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Il comprend donc trois prérogative : le droit d’user de la chose (l’usus), le droit de jouir de la chose, d’en percevoir les fruits (le fructus) et le droit de disposer de cette chose, la vendre, la détruire, l’échanger (l’abusus). Ainsi, ces trois prérogatives constituant des droits distincts, la propriété peut donc être démembrée.

Dans quelles situations y-a-t-il démembrement de propriété ?

Le démembrement de propriété peut trouver naissance dans différentes origines. Le cas le plus fréquent est celui du bien provenant d’une succession. En effet, l’usufruit est souvent dévolu au conjoint survivant et la nue-propriété est partagée entre les enfants.

C’est également le cas lorsque le défunt a, par voie testamentaire, légué l’usufruit de droits sociaux lui appartenant. Le démembrement peut aussi provenir d’une donation qui crée le démembrement aux termes de laquelle le donateur transfère sa nue-propriété et conserve son usufruit toute sa vie durant ou jusqu’à un terme défini afin de continuer à utiliser le bien ou à percevoir les loyers.

Usufruit, nue-propriété : vendre l’un ou l’autre

En cas de vente du bien objet du démembrement, plusieurs hypothèses sont envisageables.

L’usufruitier et le nu-propriétaire peuvent très bien décider de vendre ensemble leurs droits respectifs sur le bien. C’est l’hypothèse sans doute la plus courante, il faudra alors répartir le prix de vente.

Cependant, les parties peuvent également décider de vendre distinctement leurs droits sur le bien. Le nu-propriétaire pourra alors vendre seul sa nue-propriété (l’usufruitier restant usufruitier du bien) ou c’est l’usufruitier qui décidera de céder seul son usufruit (et le nu-propriétaire restera alors titulaire de son droit sur le bien).

Un plein propriétaire peut enfin vendre la seule nue-propriété (il reste alors usufruitier du bien) ou le seul usufruit (il reste alors nu-propriétaire du bien).

Dans ces différentes hypothèses, qu’en est-il du devenir du prix de vente de ce bien démembré ? Comment répartit-on ce prix entre l’usufruitier et le nu propriétaire ?

Sort du prix de vente : le principe

En cas de vente d’un bien démembré, le sort du prix de vente est réglé par l’article 621 du Code civil, qui pose un principe à défaut de convention contraire entre l’usufruitier et le nu-propriétaire.

Ainsi, « en cas de vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour reporter l’usufruit sur le prix ».

Comment répartir le prix de vente : l’exemple

Le prix de cession du bien objet du démembrement est déterminé dans l’acte de vente et doit être réparti en pleine propriété entre l’usufruitier et le nu-propriétaire au prorata de la valeur des droits de chacun. Cette valeur est le plus souvent déterminée par application du barème de l’article 669 du Code général des impôts selon l’âge de l’usufruitier.

Ainsi, un usufruitier, âgé de soixante-quatorze ans, bénéficie d’un usufruit à 30 % selon le barème fiscal, et se verra donc attribuer 30 % du prix de vente du bien tandis que le nu-propriétaire recevra 70 % du prix. Précisons qu’il est possible de ne pas appliquer le barème fiscal afin de retenir une évaluation dite économique de l’usufruit, qui conduira souvent à majorer la valeur de celui-ci. Cette solution met fin aux avantages du démembrement dans la mesure où le nu-propriétaire ne bénéficie pas de l’extinction de l’usufruit au décès de l’usufruitier ; le nu-proprietaire pourra être amené à payer des droits de succession sur la quote-part du prix reçue par l’usufruitier si celui-ci ne la consomme pas avant son décès.

Répartition du prix entre l’usufruitier et le nu-propriétaire : autres alternatives

Il existe deux alternatives à la répartition du prix tel qu’évoqué ci-dessus. En effet, les parties peuvent décider de conserver les bienfaits du démembrement et de la reporter sur un nouveau bien. Elles peuvent aussi conclure une convention de quasi-usufruit

Le report du démembrement sur un nouveau bien : quel avantage ?

Après la cession d’un bien objet du démembrement, le souhait des parties peut être de reporter ce démembrement sur un autre bien (immobilier ou mobilier) qui sera lui-même démembré. Cette solution présente l’avantage de conserver les effets du démembrement tout en investissant dans un bien adapté aux objectifs de l’usufruitier et du nu-propriétaire.

Le report du démembrement du prix de cession d’un bien peut alors porter sur un bien locatif productif de revenus, sur un contrat de capitalisation, des droits sociaux, etc. Pour cela, le report devra être prévu dans l’acte de cession du bien.

Quasi-usufruit : profiter mais restituer…

Lors de la vente d’un bien démembré, le prix de cession dudit bien peut être payé entre les mains de l’usufruitier qui est alors libre d’en disposer comme il l’entend : on parle alors de quasi-usufruit. Dans cette hypothèse, l’usufruitier peut réaliser les investissements qu’il souhaite ou consommer le capital, à charge pour lui de le restituer à la n du quasi-usufruit.

Une créance de restitution doit donc être enregistrée et vient généralement s’imputer sur l’actif successoral de l’usufruitier. Cette créance de restitution constituera un passif de succession déductible de la masse successorale pour la liquidation des droits. Cependant, si l’actif de succession demeure insuffisant, le nu propriétaire n’aura aucun recours.

La convention de quasi-usufruit pour bien fixer les règles

Il est donc préférable pour le nu-propriétaire et le quasi-usufruitier de conclure, au moment où le quasi-usufruit s’ouvre, une convention de quasi-usufruit afin de régir leurs rapports.

La convention pourra prévoir la mise en place de garanties pour assurer le paiement de la créance de restitution à la n du quasi-usufruit. Elle pourra mettre en place une obligation de réinvestir les sommes dans un type de bien souhaité par les parties ou bien encore fixer une indexation de la créance.

Parlez-en à votre notaire !

En conclusion, la vente du bien démembré doit être l’occasion de requérir les conseils avertis de son notaire en fonction du but poursuivi par les vendeurs. Ce professionnel vous accompagnera dans la mise en place des solutions répondant à vos objectifs patrimoniaux de chacun d’entre vous.

Jessica DUMONT, notaire