Les dirigeants peuvent avoir intérêt à posséder à titre personnel leurs locaux professionnels.
Si l’opération est intéressante pour construire son patrimoine privé, elle est aussi avantageuse pour l’entreprise. Explications. Face à une opportunité d’acquisition de murs commerciaux se pose automatiquement une question : qui doit acquérir ? :
– L’exploitant personne physique
– Une société d’exploitation
– Une société civile immobilière.
C’est souvent cette dernière possibilité qui est adoptée.
Qu’est-ce qu’une SCI, Société Civile Immobilière ?
La société civile immobilière est avant tout une « société civile », ce qui veut dire que son activité doit obligatoirement être « civile ». Elle ne peut donc pas faire, à titre principal, des actes de commerce.
La gestion d’un immeuble et la location est un acte civil par nature, quelle que soit l’affectation des locaux : habitation, professionnelle ou commerciale.
En revanche, lorsque les locaux sont loués meublés ou équipés, la location devient un acte commercial. Une SCI qui ferait des actes commerciaux (+ de 10% de son activité) perdrait alors l’avantage du bénéfice fiscal des revenus fonciers et serait assujettie à l’impôt sur les sociétés.
La SCI permet la protection du patrimoine personnel
Loger dans une SCI les murs de l’entreprise les abrite des aléas de l’activité économique de l’entreprise. Ainsi, en cas de liquidation judiciaire par exemple, les locaux seront hors de portée des créanciers, à condition, bien sûr, que la forme sociale de votre entreprise n’engage pas votre responsabilité sur vos actifs personnels.
Toutefois, cette protection implique que les associés « jouent le jeu de la SCI » et respectent bien les règles et le formalisme qui y sont attachés.
Si la SCI se révèle être un « poids mort » que l’on n’a pas activé, si le gérant n’a jamais fait de rapport sur sa gestion ou s’il n’a jamais réuni ou consulté les associés, les créanciers de la société d’exploitation n’auront aucun mal à démontrer que la SCI est fictive et demanderont que la procédure collective soit étendue à cette dernière. Il en sera de même si l’on constate des versements anormaux entre les deux structures, une surévaluation des loyers, un enrichissement de la SCI au détriment de la structure d’exploitation, etc..
Enfin, si la SCI se porte caution de la société d’exploitation, la protection recherchée par ce montage juridique s’affaiblira considérablement.
SCI = Facilités de gestion
D’une manière générale, la SCI permet de faciliter la gestion d’un patrimoine immobilier. Son utilisation permet de séparer, dans deux structures différentes, l’immobilier d’une part et l’exploitation professionnelle d’autre part, ce qui n’interdit pas des interactions entre les deux.
La SCI permet à la fois d’être propriétaire et locataire des locaux et de séparer le patrimoine immobilier de l’actif professionnel.
Pour le dirigeant, c’est aussi un moyen de diversifier son patrimoine en s’assurant des revenus grâce à la location des locaux par l’entreprise et en prévision, par exemple, de la cessation d’activité.
Attention, ne surévaluez pas pour autant les loyers : si la rentabilité est forte, l’administration examinera à la loupe le montage et les sommes perçues pourraient être requalifiées comme revenus distribués aux associés avec une majoration possible de 40 % pour mauvaise foi.
Acquisition commune
Vous souhaitez acquérir un bien immobilier à plusieurs associés ? La SCI est un moyen pratique d’éviter les contraintes liées à la détention du bien en indivision. En effet, en cas de mésentente entre associés, l’indivision présente un inconvénient majeur car chacune des parties peut demander unilatéralement au tribunal la mise en vente des murs. En SCI, non seulement les associés détiennent uniquement des parts sociales qui sont plus faciles à partager, mais en outre, un seul associé ne pourra pas exiger la dissolution de la SCI.
SCI = Facilités de transmission et de cession
Transmettre via une SCI
Une SCI permet également de préparer la succession dans de meilleures conditions. Par le jeu des abattements fiscaux renouvelables, on peut ainsi optimiser la transmission familiale en donnant la quantité de parts correspondant à l’exonération, soit par exemple, 100.000 € par enfant et par parent tous les quinze ans. Des parts sociales peuvent aussi être attribuées dès la création aux enfants. Ces parts prendront de la valeur avec le temps et elles n’auront pas à être intégrées à la succession, ce qui diminuera le montant des impôts à payer. Pour garder la main sur la gestion des locaux, n’oubliez pas, toutefois, en rédigeant les statuts, de vous réserver les droits de vote et de vous désigner comme gérant.
Cession facilité via une SCI
Séparer la propriété des murs et de l’exploitation dès l’acquisition, facilite également la cession indépendante de l’un ou de l’autre sans incidences particulières. Pour les acquéreurs d’un fonds commercial, il est souvent plus simple et financièrement plus facile de ne pas acquérir en même temps les murs commerciaux car le coût de l’immobilier représente un frein indéniable lorsque l’immeuble est inscrit à l’actif du bilan.
La fiscalité de la SCI
La fiscalité ne doit pas être l’unique critère décisionnel car chaque formule présente des avantages et des inconvénients et chaque situation doit être étudiée au cas par cas.
Une SCI à l’IR, solution la plus naturelle
D’une manière générale, quand les loyers perçus demeurent modestes, avec une fiscalité supportable pour votre foyer ou un risque important de plus-value potentielle à la revente, il est souvent conseillé d’opter pour le régime de l’impôt sur le revenu.
Ainsi, par le jeu de la translucidité fiscale, la société n’est pas redevable de l’impôt, celui-ci devant être acquitté directement par les associés, en fonction de la quote-part leur revenant.
Si l’on se cantonne au schéma classique de la SCI familiale constituée entre plusieurs associés personnes physiques, on appliquera le régime des revenus fonciers, qui permettra aux associés d’imputer sur leur revenu global une partie du déficit réalisé (jusqu’à 10 700 euros par foyer fiscal).
En contrepartie, les charges déductibles sont strictement énumérées (les frais d’acquisition de l’immeuble ne sont pas déductibles et on ne pourra pas pratiquer d’amortissements, par exemple) et la quote-part bénéficiaire est soumise à l’impôt sur le revenu au taux marginal, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux (17,2%), ce qui peut être pénalisant si le contribuable est soumis à un taux d’imposition élevé et s’il ne peut déduire beaucoup de charges (intérêts d’emprunt et travaux principalement).
En revanche, en matière de cessions immobilières, le régime de l’impôt sur le revenu se révèle avantageux pour les personnes physiques, car ceux-ci sont soumis au régime des plus-values des particuliers qui permet notamment de bénéficier d’abattements à partir de la sixième année de détention et d’être exonéré d’impôt sur le revenu après 22 ans de détention et de prélèvements sociaux après 30 ans.
Une SCI à l’IS pour les actifs importants
Si l’investissement immobilier est conséquent, la SCI peut aussi opter pour l’impôt sur les sociétés (cette option est irrévocable).
Il sera alors possible de déduire tous les frais d’acquisition des locaux : frais de notaire, commission d’agence…. Et surtout, une SCI à l’IS peut déduire les amortissements sur ses actifs immobiliers. Les travaux de construction ou d’agrandissement peuvent aussi être amortis, ce qui est impossible en matière de revenus fonciers.
Mais en cas de vente de l’immeuble, c’est le régime des plus-values professionnelles qui s’appliquera, pouvant entrainer une plus-value presque égale au prix de cession lorsque l’immeuble vendu est totalement amorti.
En outre, le formalisme de l’impôt sur les sociétés est beaucoup plus lourd et contraignant que celui de l’impôt sur le revenu.
La SCI est souvent adoptée pour l’acquisition de biens immobiliers pour les différents avantages et facilités de gestion, transmission et cession qui viennent d’être évoqués. Afin que ces différents avantages puissent être optimisés, il est toutefois impératif de faire étudier chaque cas par un notaire.
Florent CHARLES, notaire.