L’usufruit
La propriété est divisée en 3 prérogatives :
* l’usus (le droit de se servir de la chose)
* le fructus (le droit d’en percevoir les fruits)
* l’abusus (le droit d’en disposer)
L’usufruit donne « l’usus et le fructus » sur les biens dépendant d’une succession, mais non le droit de consommer les biens, qui doivent être conservés et restitués à l’extinction de l’usufruit, aux » nu-propriétaire » (enfants- petits enfants).
L’usufruit légal du conjoint survivant, la portée de ses droits
*Si le défunt laisse des enfants nés de son union avec son conjoint survivant, ce dernier recueille à son choix, en vertu de la Loi,
– soit un quart en propriété des biens,
– soit l’usufruit de tous les biens de la succession.
Il doit alors » opter » pour cet usufruit chez son notaire, dans les 3 mois du décès
A défaut d’option, il est présumé avoir opté pour l’usufruit.
Cet usufruit lui permettra ainsi d’occuper les biens immobiliers, ou d’en percevoir les revenus pour les biens immobiliers loués, sans partage avec les enfants.
L’usufruit sur les liquidités comprises dans la succession lui donne alors plus de prérogatives : un « quasi usufruit » va naitre automatiquement sur les liquidités, comptes de dépôts, livrets PEP, PEL, CODEVI, compte espèces des PEA etc.., qui lui permet de les « consommer » partiellement ou intégralement.
En revanche ce quasi-usufruit ne porte pas sur les valeurs mobilières (portefeuille titres). L’usufruitier n’aura alors droit qu’aux intérêts du compte-titres, mais ne pourra pas le vendre sans l’accord des nu-propriétaire.
L’usufruit du conjoint survivant peut être converti en rente viagère s’il le souhaite, ou si un héritier le demande, au plus tard dans l’année du décès.
Dans cette hypothèse, les enfants » nu-propriétaires », deviennent pleins propriétaires des biens, à charge de verser une rente viagère au conjoint survivant, sa vie durant.
Toutefois l’accord du conjoint survivant est toujours nécessaire pour convertir l’usufruit sur la « résidence principale » ainsi que sur le mobilier le garnissant.
Le conjoint survivant peut « cantonner » son usufruit sur un seul bien de la succession, de sorte que les enfants auront alors la pleine disposition des autres biens.
Ce cantonnement légal ne constitue ni un partage, ni une donation.
L’usufruit conventionnel dans les familles » recomposées »
Si le défunt laisse des enfants nés d’une précédente union, la Loi donne alors au conjoint survivant, un droit de propriété de un quart portant sur tous les biens de la succession.
Afin d’éviter les transferts de patrimoines entre époux, il faut alors signer chez son notaire « une donation entre époux », qui portera sur « l’usufruit » des biens.
Cette donation en usufruit écartera ainsi le transfert de propriété du quart, tout en protégeant très efficacement le conjoint usufruitier, qui pourra continuer à occuper les biens immobiliers, à percevoir les loyers, et bénéficier du « quasi-usufruit » légal portant sur les liquidités.
A l’extinction de l’usufruit
Les héritiers nu-propriétaires, deviennent alors automatiquement pleins propriétaires sans aucune formalité.
Concernant les liquidités, ils hériteront alors de ce qu’il en restera.
Or, le conjoint survivant devant rendre à la fin du quasi-usufruit une somme d’agent correspondant à la valeur de ce qu’il a reçu au décès de son conjoint, il sera alors débiteur d’une « créance de restitution » envers les nu-propriétaires.
Cette créance constitue un passif successoral déductible pour le calcul des droits de succession.
Elle a donc un impact direct sur la fiscalité successorale.
La protection des héritiers nu-propriétaires face à la liberté du conjoint usufruitier
L’obligation de dresser inventaire des biens soumis à l’usufruit :
L’inventaire a pour rôle est de créer la mémoire de la créance de restitution, d’où l’utilité de faire dresser par son notaire, l’inventaire le plus précis possible prenant en compte toute la dimension économique du patrimoine démembré.
- la fourniture d’une caution ou une garantie équivalente (nantissement).
- la faculté de signer une convention de » quasi usufruit » chez son notaire. Cette convention pourra prévenir d’éventuels conflits entre usufruitier et nu propriétaires, en fixant conventionnellement les règles (sort des plus -values, possibilité d’indexation de la créance de restitution, etc.;)
- en dernier recours le nu -propriétaire peut demander en justice que des mesures de protection soient prises s’il prouve que ses intérêts sont en danger : le juge peut alors ordonner la déchéance de l’usufruit s’il y a abus du droit de jouissance, ou la fourniture d’une caution ou d’emploi de capitaux, s’il existe un risque de dilapidation des fonds.
Votre notaire vous apportera toutes les précisions utiles sur l’usufruit du conjoint survivant.
Dominique JACQUOT, notaire