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la vente en viager

À l’heure où la plupart de nos aînés peinent à boucler leur fin de mois, la vente en viager trouve de nombreux adeptes. En effet, cette opération permet au vendeur de percevoir un complément de revenus tout en conservant éventuellement la jouissance de son bien.

Grâce au viager, le vendeur s’assure une rente jusqu’à la fin de ses jours, laquelle est revalorisée régulièrement pour tenir compte de l’évolution des prix.

Pour l’acquéreur, ce système peut permettre d’accéder à la propriété sans nécessairement recourir à un emprunt bancaire. Cela peut donc présenter un avantage pour les acquéreurs ne pouvant être assurés à cause d’un problème de santé.

En dépit de ses particularités, le viager reste avant tout une vente dont l’objectif principal est de transférer la propriété d’un bien entre un vendeur et un acquéreur. La rente n’est finalement qu’une modalité de paiement du prix.

La vente en viager répond, compte tenu de ses caractéristiques, à des règles spécifiques. Avant de s’engager dans ce procédé complexe, mieux vaut en connaître les pièges et les possibilités de remise en question.

1/ Le viager, une vente spécifique, mais une vente tout de même

La vente en viager répond aux conditions de la vente traditionnelle et notamment la nécessité pour les parties de tomber d’accord sur la chose et sur le prix. 

Concernant le prix, le principe est simple : Le « débirentier » (acquéreur) verse au « crédirentier » (vendeur) une somme payable comptant le jour de la signature de l’acte de vente (le bouquet) et une rente viagère sa vie durant.

Le terme « viager » vient de « viage » qui signifie en vieux français « temps de vie ». Cette durée de vie doit nécessairement être aléatoire sous peine de nullité du contrat.

Comme dans une vente classique, le vendeur peut conventionnellement se réserver certains droits.

L’occupation du bien

Le vendeur a la faculté de se réserver un droit d’usage et d’habitation sur le bien vendu, voire même de conserver l’usufruit du bien. On parle alors de viager « occupé ».

La réserve d’usufruit est plus protectrice pour le vendeur qui peut alors louer le bien et en percevoir les loyers.

Si le vendeur souhaite ne pas conserver l’usage du bien, la vente porte alors sur la pleine propriété de celui -ci et on parle alors de viager « libre ».

Bien entendu, l’occupation du bien a une influence directe sur le montant du prix car l’indisponibilité temporaire du bien est de nature à en diminuer sensiblement la valeur.

Le calcul de la rente

Les parties sont libres de fixer le montant des arrérages de la rente au taux qui leur convient. Mais toute évaluation incohérente risque de provoquer la nullité du contrat en cas de prix dérisoire. En effet, le prix doit être réel et sérieux.

On fait donc en pratique référence à des barèmes édités par des compagnies d’assurance pour déterminer le montant de la rente. 

Le calcul de la rente dépend nécessairement de la présence ou non d’un bouquet, du nombre de crédirentier et de leur espérance de vie au moment du contrat.

Si la transaction comprend un bouquet, c’est seulement le surplus du prix qui est converti en rente viagère après déduction des réserves effectuées par le vendeur.

Le taux de rendement du bien vendu est également un paramètre à prendre en compte pour calculer celle-ci.

L’indexation de la rente

Les clauses d’indexation de la rente sont libres. L’indexation est indispensable pour assurer l’équilibre du contrat dans le temps, notamment en période d’inflation. L’indice choisi n’a pas à être en lien avec l’activité des parties. En pratique, les rentes sont le plus souvent indexées sur l’indice des prix à la consommation et révisables annuellement à la date anniversaire du contrat, à l’initiative du crédirentier.

L’indexation ne doit pas avoir pour effet de porter le montant des échéances à un montant supérieur en capital à la valeur du bien cédé en contrepartie. 

A  contrario, le montant des échéances doit au minimum se voir appliquer le montant des majorations forfaitaires légales.

Le paiement de la rente

Les dates des échéances de la rente peuvent être fixées librement. La rente peut être payée mensuellement, trimestriellement, annuellement, à terme échu ou d’avance.

S’il existe plusieurs débirentiers, la solidarité ne se présume pas. Il convient donc de prévoir dans le contrat que les acquéreurs seront solidairement engagés par son paiement ce qui permet au crédirentier d’exiger le paiement en totalité à l’un ou à l’autre de ceux-ci.

Lorsque le bien vendu appartient à un couple, il convient de veiller à ce que la rente soit réversible sur la tête du survivant afin d’offrir au conjoint survivant le même avantage qu’une retraite. Cet élément devra être précisé dans le contrat.

Enfin, en cas de décès du débirentier, son obligation de payer la rente se transmet à ses héritiers.

La vente en viager doit être négociée et rédigée avec précaution faute de quoi, elle peut être remise en cause.

2/ La remise en cause de la vente en viager

La remise en cause de la vente peut résulter des parties elles-mêmes ou d’un tiers au contrat.

L’annulation du contrat par les parties à la vente

Pour garantir le vendeur contre les risques de non-paiement de la rente, il est fortement recommandé de prévoir que le bien vendu sera grevé du privilège de vendeur.

Cette sûreté qui fonctionne comme une hypothèque doit être inscrite au service de la publicité foncière par le notaire rédacteur de l’acte de vente. En cas de non-paiement des échéances, il permettra au vendeur, à l’issue d’une procédure judiciaire, de faire saisir le bien afin d’en recouvrer la propriété.

L’annulation du contrat peut également résulter de la mise en œuvre par le vendeur de l’action résolutoire si celle-ci a été expressément prévue dans l’acte de vente. Cette résolution doit être prononcée judiciairement.

Remise en cause du contrat par un tiers

Outre les possibilités d’annulation de la vente pour absence d’aléa (décès du crédirentier rapidement après la vente ou caractère dérisoire du prix), le code civil prévoit qu’une vente en viager est présumée être une donation déguisée quand elle est consentie entre parent et enfant (article 918 du Code civil). Pour que cette transaction soit incontestable, il faut donc en faire accepter le principe aux autres enfants dans l’acte lui-même. 

Enfin, au plan fiscal, l’immeuble vendu avec réserve d’usufruit à un futur héritier est sensé rester la propriété du vendeur si ce dernier décède rapidement après la vente. L’acquéreur héritier peut donc être amené à payer des droits de succession sur la totalité du bien quand la vente et le décès du crédirentier sont trop rapprochés.

 Malgré ses nombreux pièges, la vente en viager suscite beaucoup d’intérêts auprès des propriétaires à la recherche d’un complément de revenu. Malheureusement, à une époque où l’espérance de vie ne cesse d’augmenter et où les taux d’intérêts sont historiquement bas, elle ne rencontre pas autant de succès auprès des candidats acquéreurs. Conscients que ce montage répond à un réel besoin sociologique, les pouvoirs publics ont créé un fonds d’investissement en viager destiné à investir dans les grandes villes françaises. Il existe également des fonds privés d’investisseurs en viager.

Emmanuelle MOLLET, notaire.